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Recherche de consensus au parlement européen

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 08.03.2017 | Adama Sissoko

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Après avoir suscité un franc désaccord entre les pays de l’Est et de l’Ouest, le texte revient sur la table. 472 amendements venant des nations ont été reçus. Objectif loin d’être atteint : trouver un consensus avant le vote en juillet 2017.  

« C’est l’un des textes les plus importants de cette mandature », annonce d’emblée Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne (PPE). La co-rapporteure de la révision de la directive sur le détachement des travailleurs (aux côtés de son homologue néerlandaise Agnès Jongerius du groupe S&D) est venue rappeler, hier, devant l’association des journalistes de l’information sociale, tout l’enjeu du projet de révision du texte. Et d’annoncer le long marathon qui se profile. « Nous entrons dans une phase de travail : nous avons d’ores et déjà reçu les 472 amendements venant de chaque pays membres de l’Union européenne. Nous devons faire des compromis. Notre but est de rassembler le plus largement possible. Car il est temps de construire l’Europe sociale, ce que nous avons tardé à faire. »

L’enjeu est de taille et la question sensible. Comment enrayer la concurrence des salaires sans toucher aux prérogatives des Etats et sans entraver la liberté de circulation au sein de l’UE ? Le texte actuellement en vigueur prévoit qu’un salarié « détaché » dans un autre pays de l’UE, continue de bénéficier des conditions de rémunération et de protection sociale de son pays d’origine. Adoptée en 1996, avant l’élargissement de l’Union européenne aux pays de l’Est, la directive semble aujourd’hui caduque pour les partisans de sa réécriture. La France, l’Allemagne et la Belgique - qui comptaient à elles seules 40 000 travailleurs détachés en 2014 - montent au front pour dénoncer la concurrence accrue des bas salaires ces dernières années. « Alors que l’écart des salaires était de 1 à 3 dans l’Europe des 15, elle est de 1 à 10 dans l’Europe des 25. L’intérêt de réviser cette directive, c’est de stopper le dumping social » assène la rapporteure.

Règles du pays d'accueil

Pour se faire, les deux élus soutiennent avec force le remplacement du terme « taux de salaire minimum par celui de « rémunération ». Celle-ci ne désignerait plus seulement le salaire minimum mais engloberait d’autres éléments tels que le 13e mois ou la prime de froid. Surtout, les frais liés au détachement comme le transport, le gîte et le couvert, autrefois déduits du salaire par l’employeur, ne le seront plus. Autre point travaillé par le projet de révision, la durée de l’emploi. La Commission européenne a fait une proposition reprise par les rapporteures. Il s'agit d'instituer une limite à 24 mois, au-delà de laquelle les règles applicables aux travailleurs détachés devront être modifiées. Leur rémunération et leur couverture sociale devront basculer vers celles du pays d’accueil. « La comptabilisation de cette durée se fera dès le premier jour de travail et non plus à partir de 6 mois révolus. » Les conditions d’hébergement de ces salariés, parfois indignes, devront, elles aussi, être correctes dès le premier jour.

En ligne de mire également, l’intervention des agences d’intérim qui ouvre la voie vers des détachements en cascades. Sur ce point aussi la Commission européenne s'est exprimée et est reprise par les deux députées. Elle veut instituer une égalité de traitement entre les travailleurs intérimaires détachés et les intérimaires locaux. C’est le règlement du dernier pays où le salarié sera détaché qui s’appliquera. Cela permettra aussi de trouver plus facilement l’employeur devant s’acquitter des cotisations sociales. Enfin, concernant les sous-traitants, le projet laisse aux nations le choix d’exiger ou non que l’entreprise donneuse d’ordre fasse respecter les éléments de rémunération lorsqu’ils font appels à des travailleurs détachés. Et ce si la rémunération est la même pour les travailleurs locaux. Ces conditions devront être stipulées aux sous-traitants avant la conclusion du contrat.

La tâche est ardue. L’épisode de mai 2016 est encore présent dans les mémoires. Onze pays (Bulgarie, Hongrie, Croatie, République Tchèque, Estonie, Roumanie, Lituanie, Lettonie, Slovaquie et Danemark) ont brandi un carton jaune pour contester la révision de la Directive. Cette procédure, instituée en 2005 au titre du nécessaire respect de la subsidiarité, autorise les parlements nationaux à exprimer un avis motivé sur un texte concernant les compétences partagées entre les Etats et l’Union. « La situation est délicate », admet Elisabeth Morin Charnier. Car les états « frondeurs » estiment que la question du salaire relève de leurs compétences. Comment les convaincre cette fois ? Confiante, la députée européenne balaie la question d'un « Nous y arriverons. »

Clause Molière

Difficile mais pas impossible martèle-t-elle. La question des travailleurs détachés crée des dissensions au sein même des partis politiques. En février, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a justifié le vote d'une « clause Molière » au sein de l'hémicycle de sa région. Pour lutter contre le dumping social, cette nouvelle règle imposait l’usage de la langue française sur les chantiers dont la région est maître d’œuvre. Mais le préfet a contesté la décision du Conseil régional, estimant qu'elle était discriminatoire et entravait la liberté de circulation. Au vu des dissensions politiques sur la question, les délais pour trouver un consensus avant le vote en commission prévue en juillet 2017 semblent serrés.

Auteur

  • Adama Sissoko

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