Dans son dernier ouvrage, coécrit avec l'avocat Jacques Barthélémy, l'économiste Gilbert Cette* milite pour que la négociation collective supplante le code du travail. Au nom de l'efficacité économique et de la protection des salariés.
Pourquoi préconisez-vous d'alléger le code du travail ?
Avec Jacques Barthélémy, nous ne proposons pas de réduire le volume du code du travail comme le souhaite le Medef. Mais, partant de sa complexité, de lui substituer des règles négociées dans l'entreprise. Là où il n’y a pas de négociation, le code du travail resterait en l’état. Car le droit social souffre d’un mal profond : il ne parvient pas à concilier efficacité économique et protection des travailleurs. Il protège les insiders et renforce le nombre et la détresse des outsiders dont il rend plus difficile l’insertion.
Cette complexité du droit est-elle néfaste ?
Elle nuit au dynamisme économique et contribue à un chômage structurellement élevé. Faire de la dérogation conventionnelle la règle génèrera des gains de productivité et de la croissance car les prises de risques seront moins irréversibles pour de nombreuses entreprises. Par rapport aux autres pays de l’OCDE, la France associe une forte protection réglementaire de l’emploi à un faible taux d’emploi. De nombreuses études montrent que l'emploi décroit, surtout chez les jeunes, lorsque la complexité des procédures de licenciement augmente. Ces dernières sont un frein. Une plus grande flexibilité permettrait à long terme une augmentation du PIB de 2,5%.
Permettre aux entreprises d'adapter le droit du travail, c’est créer un système à plusieurs vitesses…
Notre système social est déjà à plusieurs vitesses ! Beaucoup de jeunes vivent dans la rue. Avoir une approche homogène, identique pour tout le monde alors que nombre de nos concitoyens sont au chômage ou dans la précarité, c'est contreproductif. Dans les pays du Nord, il est considéré comme normal de donner plus de liberté aux entreprises.
Mais comment négocier avec des partenaires faibles ?
C’est l’histoire de l’œuf et de la poule ! Quand le terrain de la négociation collective est limité, comment voulez-vous que le syndicalisme soit fort ? Donnons lui un autre rôle afin à le renforcer ! Nous proposons ainsi de porter à 50 % le taux d’audience requis pour signer un accord collectif, ce qui supprimera le droit d’opposition. D'autres solutions existent pour développer la syndicalisation, qui doit être la première réponse à l’éternelle et difficile question du financement des partenaires sociaux. Par exemple instaurer le chèque syndical et favoriser un syndicalisme de services.
Peut-on qualifier vos propositions de "libérales" ?
Donner du poids aux partenaires sociaux et sécuriser les accords collectifs, c’est libéral ? Il faut donc considérer le Danemark et la Suède, qui favorisent le dialogue social, comme des pays libéraux ! "Libéral", c'est un adjectif qu'on emploie dès qu'on souhaite limiter le champs d'intervention de l'Etat. Jacques Barthélémy et moi-même sommes complétement indépendants. Nous avons d’ailleurs refusé d’être auditionné par la commission Combrexelle qui, finalement, vise à la mise en œuvre de notre approche…
*Auteur de "Réformer le droit du travail" avec l'avocat Jacques Barthélémy (Ed. Odile Jacob, 172 pages, 19,90 €)