La chercheuse du Centre d'études de l'emploi a publié une étude sur l'usage de la rupture conventionnelle. Pour elle, le succès de ce mode de rupture simplifiée du contrat de travail traduit un problème relatif à l’emploi lui-même et à la mauvaise qualité du dialogue social, resté stérile ou peu envisagé au sein de l’entreprise.
E & C : Pouvez-vous nous rappeler les objectifs de la rupture conventionnelle ?
Camille Signoretto : La loi sur la rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée (CDI) date de juin 2008. Elle entérine un accord interprofessionnel entre les partenaires sociaux conduit entre septembre 2007 et janvier 2008 que seule la CGT avait refusé de signer.
L’objectif du patronat était le même que celui invoqué depuis une vingtaine d’années pour assouplir le droit du travail. Il s’agissait pour lui de fluidifier et de sécuriser les entrées et sorties de main-d’œuvre des entreprises. Une rupture plus aisée du contrat de travail est supposée lever les obstacles à l’embauche et diminuer les recours contentieux devant les prud’hommes.
Fruit d’un compromis plus large entre syndicats et employeurs, la rupture conventionnelle a aussi été rendue possible à partir de l’idée qu’elle contribuerait à sécuriser les parcours professionnels en permettant au salarié de favoriser sa mobilité tout en bénéficiant du filet de sécurité du chômage. Le législateur, pour sa part, a formalisé la procédure afin de la mettre à l’abri des ambiguïtés et de favoriser une transaction équitable. Il a notamment fixé une indemnité minimale de rupture équivalente à celle prévue par la loi pour un licenciement.
Quel bilan peut-on dresser aujourd’hui de son usage depuis sa création ?
Si l’on considère les chiffres fournis par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la rupture conventionnelle a rencontré un succès immédiat. Dès 2010, la part des ruptures conventionnelles a dépassé celle des licenciements économiques. Elle se situe aujourd’hui autour de 17 % des fins de CDI – licenciements, démissions et ruptures conventionnelles – contre 7 % environ pour les licenciements économiques, 54 % pour les démissions et 22 % pour les licenciements pour motif personnel.
Le nombre de ruptures conventionnelles tourne autour de 300 000 par an depuis 2012 – 333 306 en 2014 – et les recours devant les prud’hommes sont peu nombreux. Les objectifs en termes de simplification et de sécurisation des ruptures