Durant toute la semaine, l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme organise plus de 200 manifestations pour sensibiliser sur ce handicap qui empoisonne la vie de 2,5 millions de Français.
Ils se débrouillent pour ne pas être démasqués. Vivre sans savoir ni lire, ni écrire, ni compter est tout à fait possible. Ils sont même 2,5 millions de Français (7 % de la population) à pourtant être allés à l’école et à ne pas pouvoir décrypter une liste de courses, une consigne, réaliser des calculs simples, prendre des notes… La moitié d’entre eux travaille souvent dans des emplois peu qualifiés.
La maladresse d’Emmanuel Macron quand il a évoqué les « ouvrières illettrées » de chez Gad avait soulevé un coin du voile sur une honte difficile à révéler. L’illettrisme, ça n’est pas simplement le fait de commettre des fautes d’orthographe ou de syntaxe. C'est avant tout ne pas être autonome dans la vie de tous les jours et dans le monde professionnel faute de maîtriser les bases de l’écriture et de la lecture.
Multiples plans d'action
Pour sensibiliser les entreprises et les collectivités à cet enjeu social crucial, l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) organise jusqu’à la fin de la semaine près de 200 manifestations. Car, malgré les progrès, ce « handicap » reste un vrai tabou. Le fait qu’il ait été déclaré grande cause nationale en 2013 a permis de faire chuter le nombre de personnes concernées : elles étaient 3,1 millions en 2004.
L’Etat s’est fixé pour objectif de faire reculer le phénomène de deux points d’ici à 2018. Cette année, il a débloqué 160 millions d'euros pour faire reculer l'illettrisme. Des plans d’action ont vu le jour au sein de divers conseils régionaux. Dans le cadre de la création du compte personnel de formation, les partenaires sociaux ont souhaité que les stages permettant d’acquérir le socle de base (lire, écrire, calculer, maîtriser les outils informatiques) soient éligibles de droit.
La moitié sans emploi
Il n’empêche, près de la moitié des 2,5 millions d’illettrés est sans emploi. Et ils ont majoritairement plus de 45 ans. Un foyer d’exclusion durable… « C’est un défi à relever car le travail change, il y a une présence plus forte de l’écrit dans les entreprises qui attendent de la part de leurs salariés plus d’autonomie et de polyvalence. Si on investit davantage dans les formations de base, on réduit le chômage de longue durée », souligne Hervé Fernandez, directeur de l’ANLCI.
L’employeur a même le devoir de le faire au titre de l’obligation d’adaptation des compétences. Le 2 mars 2010, la Cour de cassation a ainsi condamné l’hôtel Concorde Lafayette pour perte de chance et absence de formation professionnelle et d'évolution de carrière envers quatre maliens ne maîtrisant pas le français. Employés durant 22 ans comme garçons de cuisine, ils n’avaient jamais changé de poste...