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Avis de tempête chez Air France

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 05.10.2015 | Emmanuelle Souffi

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L'agression du DRH d'Air France et l'interruption du CCE consacré à la restructuration compliquent la reprise des négociations. Et risquent de diviser un peu plus les salariés, alors que 2900 postes sont menacés.

Des dirigeants agressés, des salariés inquiets et des syndicats dépassés par leur base… Ce lundi 5 octobre restera marqué d’une pierre blanche dans l’histoire d’Air France. Et même du dialogue social hexagonal. Les images du DRH, Xavier Broseta, escaladant torse nu les grilles du siège de la compagnie pour échapper à une poignée d’agresseurs entache en effet gravement la journée d'action syndicale. Qui se voulait unitaire face à la nouvelle restructuration du groupe annoncée la semaine dernière.

Le comité central d'entreprise (CCE) a dû être interrompu quelques minutes après son ouverture. À peine le temps pour le DRH de confirmer les 2900 suppressions de poste envisagées. Soit 300 départs chez les pilotes, 900 chez les hôtesses et les stewards et 1700 chez les personnels au sol d’ici à la fin 2017, dans le cadre d’une réduction de 10 % de l’offre long-courrier et le retrait de 14 appareils. Le millier de salariés venus manifester dans le calme n’en saura pas davantage.

Survie en jeu

Cette nouvelle saignée intervient alors que la compagnie a déjà réduit ses effectifs de 5500 personnes en trois ans. Dans ses prévisions initiales, la direction prévoyait que les comptes devaient se redresser cette année grâce notamment à la baisse du prix du pétrole. Raté. Face à la compétition internationale, Air France tangue. La moitié de ses lignes long-courriers est dans le rouge, tout comme la totalité des courts et moyens courriers. Sans ces nouvelles coupes, la survie de l'entreprise est en jeu. D’autres ont disparu avant elle.

Dos au mur, les syndicats appellent à de nouvelles négociations. Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) qui, pendant de très longues années, a accompagné la direction dans ses choix stratégiques, apparaît aujourd’hui isolé. Son refus de contribuer aux efforts demandés lors du précédent plan et son jusqu’au-boutisme juridique rendent furieuses les autres catégories de personnel. Ces dernières n'ont pas la même capacité de nuisance. Et gardent en mémoire la grève corporatiste de septembre 2014, qui a coûté plus de 200 millions d’euros au groupe.

Condamnation unanime

La direction promet d'aller vite. Les syndicats, eux, réclament du temps pour infléchir les décisions. Les débordements de ce 5 octobre risquent fort de pousser chacun dans ses retranchements. CFDT, SNPL, Unsa, et même Medef… La condamnation a été massive. Manuel Valls lui-même s’est dit « scandalisé » tandis qu’Alain Vidalies, ministre des Transports, et Myriam El Khomri, ministre du Travail, ont appelé à une reprise du dialogue.


 

Xavier Broseta n’est pas le premier DRH à essuyer les foudres de syndicalistes en colère. La séquestration de dirigeants fait partie de l’histoire sociale hexagonale. Mais davantage dans des secteurs industriels et sur des territoires sinistrés. Cette agression, particulièrement violente, en dit long sur le climat social de l'entreprise, alors même que la majorité des départs devrait se faire sur la base du volontariat.

Seule issue, jouer la carte de l’apaisement, ce qu'Alexandre de Juniac, président d’Air France-KLM, et Frédéric Gagey, président d’Air France, semblent prêts à faire. Mais sans renoncer à leurs projets de coupes... Avec, probablement, un nouveau DRH à leurs côtés : Xavier Broseta était annoncé sur le départ avant même cette agression. Son successeur devrait être l'actuel directeur de cabinet adjoint de Manuel Valls, Gilles Gateau. Un poids lourd du social, qui n'a pas choisi la facilité.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi

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