La direction et tous les syndicats d’Areva ont signé le 31 mars un « contrat social », qui augmente le temps de travail des cadres, en contrepartie de mesures relatives aux salaires, à l’épargne salariale et aux compétences. Un accord très dense qui intervient après un gros plan de départs volontaires et plus de deux années de vaches maigres…
Vous avez signé le « contrat social New Areva 2017 » avec les cinq organisations syndicales représentatives. Quelle est la portée de ce compromis ?
Il s’agit d’un accord fondateur pour New Areva, la nouvelle entité issue de la réorganisation du groupe Areva et de la cession de l’activité réacteurs à EDF. Nous tournons la page d’une période difficile mais indispensable, marquée par d’importantes économies et par un plan de départs non remplacés concernant 6 000 salariés sur trois ans. Cet accord investit sur l’avenir, à travers un tryptique compétences, compétitivité et association des personnels au redressement du groupe.
Le volet compétences nous permet de faire une cartographie précise des métiers et des compétences, d’anticiper les besoins en recrutements et en formation, en misant sur de nouveaux modes d’apprentissage, sur un portail en ligne et sur le développement de l’alternance.
Le volet compétitivité repose sur une augmentation du temps de travail des cadres : nous nous alignons sur les standards de l’industrie, avec un forfait annuel de 215 jours travaillés, contre 203 aujourd’hui pour un peu plus de la moitié des salariés du groupe concernés par ce régime.
Enfin, nous associons les salariés au redressement à travers une politique salariale comportant une part collective conséquente pour les personnels, un accord de participation au niveau du groupe, une clause de retour à meilleure fortune et l’engagement de mettre en place un Perco.
Quel est le message adressé aux salariés d’Areva ?
Nous avons choisi d’être très attentifs à tous ceux qui ont choisi de rester, en leur proposant un équilibre entre les adaptations nécessaires à mener et la reconnaissance de leurs efforts. Nous poursuivons la transformation sociale du groupe, tout en leur offrant de nouvelles perspectives.
Il est essentiel de motiver l’ensemble du personnel, après une période compliquée où la charge de travail a été forte, et de mobiliser les salariés sur les enjeux d’avenir. D’où l’accent mis sur les carrières via l’observatoire des compétences, l’établissement d’un diagnostic avec un réseau de référents pour les 16 métiers du groupe et des relais dans nos business units.
Nous avons commencé à analyser les besoins en compétences à l’issue du plan de départs volontaires et nous nous sommes engagés à reprendre les recrutements sur les entités impactées, notamment sur des compétences jugées critiques. Nous poursuivons aussi les recrutements sur nos activités de démantèlement, qui sont très porteuses. Par ailleurs, nous allons créer un portail de formation en ligne, promouvoir de nouveaux modes d’apprentissage et favoriser le déploiement du CPF sur des parcours certifiants.
L’augmentation du forfait annuel en jours est l’une des mesures-phares du « contrat social ». Elle donne lieu à une compensation intégrale pour les salariés. Mais quel est le gain pour le groupe ?
Les cadres qui accepteront d’augmenter leur nombre annuel de jours travaillés bénéficieront en effet d’une compensation intégrale de salaire, mais aussi d’une prime s’ils se décident avant le 30 septembre. Cette disposition va augmenter la capacité de travail globale, permettant ainsi de mieux gérer les aléas de la production.
Surtout, le nouveau régime s’applique dès à présent aux nouveaux embauchés : compte tenu de notre pyramide des âges et de nos besoins de renouvellement, le gain estimé sur dix ans est très appréciable. Enfin, avec un forfait annuel de 215 jours travaillés, nous nous situons dans la moyenne de l’industrie.
Dans le même temps, vous mettez votre dispositif sur le forfait-jours en conformité avec la loi El Khomri…
Oui. La charge de travail fera l’objet d’échanges réguliers entre le salarié et son manager, avec un nouveau dispositif d’alerte en cas de difficultés particulières, et un suivi davantage formalisé au cours de l’entretien annuel d’évaluation.
Le droit à la déconnexion était déjà présent dans notre accord Qualité de vie au travail de 2012, mais nous communiquerons aux membres de la commission de suivi la proportion mensuelle de mails émis ou reçus en dehors des heures ouvrées.
Sur les forfaits-jours, nous avons appliqué une nouvelle disposition de la loi El Khomri permettant à un accord groupe de se substituer à tous les accords d’entreprise existants, sans avoir besoin de renégocier au niveau de chaque entreprise. Idem sur l’accord groupe de participation aux résultats, signé en même temps que le « contrat social ».
Dans le cadre de cet accord de participation, comme sur les salaires, vous avez accepté plusieurs mesures collectives, à rebours des tendances croissantes à l’individualisation…
Il nous paraît indispensable de nous adresser à tout le corps social, compte tenu des efforts déjà accomplis et des défis à relever dans le cadre de la nouvelle organisation. Notre nouvel accord groupe de participation aux résultats donnera lieu à un versement uniforme la première année, sans tenir compte des salaires, tout comme l’éventuel supplément de participation, en cas de « retour à meilleure fortune » avéré.
En ce qui concerne les NAO, qui relèvent des différentes entités, nous avons acté une augmentation générale des salaires de 1 % pour les OETAM sur une enveloppe globale de 1,6 %. En outre, 90 % des cadres bénéficieront d’une hausse garantie de 0,7 %.
Le « contrat social » prévoit l’ouverture de nouvelles négociations sur le compte épargne-temps et la mise en place d’un Perco. Quelle sont vos objectifs ?
Ces deux négociations doivent permettre de compléter la réforme du temps de travail. Nous souhaitons l’instauration d’un compte-épargne temps au niveau du groupe, avec un plafond annuel et un plafond cumulé. Certaines sociétés ne limitent pas le nombre de jours déposés, ce qui génère d’importantes provisions.
Parallèlement, l’ouverture d’un Perco permettra aux salariés qui le souhaitent de convertir une partie de leur épargne-temps en argent, avec une sortie en capital ou en rente au moment de leur retraite.
Ces deux négociations constituent aussi une nouvelle étape vers l’harmonisation des conditions sociales, au même titre que sur le temps de travail et sur la participation. Le mouvement avait déjà été entamé sur les garanties santé-prévoyance il y a quelques années. L’hétérogénéité des dispositions applicables dans les entités du groupe freinaient les mobilités des salariés, l’harmonisation devrait être un élément facilitateur.
Comment avez-vous mené la négociation pour aboutir à un accord unanime sur un texte aussi engageant ?
Il y a eu un gros travail de préparation en amont, à partir d’études sur les différences de statut internes en matière de temps de travail, de salaires, de gestion des compétences et sur des comparaisons par rapport à notre secteur. Nous avons travaillé avec chaque organisation syndicale en bilatérale afin de bien cerner ses attentes.
J’ai été transparent à l’égard de chacune d'entre elles, sur les demandes qui m’étaient faites et les réponses que je formulais. Et nous avons partagé sur les différents sujets au cours de plénières, dont certaines se sont tenues sur deux journées consécutives. Nous avons eu des désaccords, des tensions parfois, mais le dialogue a toujours été très ouvert et constructif.
Les accords donnant-donnant de « contrat social », qui tendent à se multiplier, constituent-ils une nouvelle forme de dialogue social ?
Je le crois. Dans un contexte budgétaire et concurrentiel particulièrement contraint, il n’est pas possible d’accorder des concessions aux organisations syndicales, sans améliorer notre compétitivité dans le même temps. Nous souhaitions faire évoluer les esprits sur le temps de travail des cadres, en étant prêts à de réelles contreparties.
Le « contrat social » est un tout, qui permet de donner de la visibilité sur le long terme aux personnels sur plusieurs sujets essentiels. Il est essentiel d’assortir un plan stratégique de performance d’un volet social mobilisateur, plutôt que de mener des négociations successives sans vision d’ensemble, sans que cela fasse sens pour le corps social.