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Robert Badinter, la caution morale du Code du travail

Liaisons Sociales Magazine | Condition de travail | publié le : 11.12.2015 | Anne-Cécile Geoffroy

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En confiant à Robert Badinter la présidence de la commission des Sages chargée de fixer les principes fondamentaux du Code du travail, Manuel Valls a muselé les fervents défenseurs du gros livre rouge. Pour le moment.

Il y a quelques mois encore, personne n’attendait l’ancien garde des Sceaux de François Mitterrand, celui qui abrogea la peine de mort, sur les terres arides du Code du travail. Mais tout a changé depuis juin lorsque Robert Badinter publie le Travail et la Loi (éditions Fayard), coécrit avec le juriste Antoine Lyon-Caen.

La surprise est alors totale. En posant les huit principes qui doivent structurer la relation individuelle de travail et en les déclinant au travers de 50 articles, les deux auteurs prennent de court la droite, mais aussi la gauche. D’autant plus qu’ils y brisent un tabou pour leur camp en établissant un lien direct entre l’obésité du Code et la « grave maladie sociale dont souffre la société française », le chômage de masse. Un discours plus familier des économistes et des juristes libéraux, que le Medef s’empresse d’applaudir.

Le vieil avocat – il a 87 ans – et brillant pénaliste serait-il devenu la caution sociale, l’élément fédérateur et rassurant d’un gouvernement qui entend révolutionner le Code du travail ? Les plus ardents défenseurs de ce dernier sont en tout cas gênés aux entournures. « Je suis en désaccord profond avec son livre, très inquiet de la réforme à venir, mais cela ne retire en rien la très grande estime que j’ai pour ce juriste d’exception, profondément attaché aux droits fondamentaux, à l’intérêt général », confie Pascal Lokiec, professeur de droit à l’université Paris Ouest Nanterre et membre du cabinet juridique Corpus Consultants, fondé par Robert Badinter en 2011.

Pas simple, en effet, de contester que l’ancien président du Conseil constitutionnel puisse être l’homme de la situation, celui capable de porter le regard distancié permettant de dégager les grands principes qui guideront la réécriture du Code. « On ne peut pas réduire Robert Badinter au seul droit pénal, souligne Frédéric Géa, professeur agrégé à la faculté de Nancy, spécialiste du droit du travail. Il est un ­repère pour la gauche et incarne dans la pensée juridique un attachement à la modernité et à l’humanisme. » « C’est une autorité morale. Son parcours le rend incontestable », abonde Franck Morel, avocat associé du cabinet Barthélémy, ancien ­dircab adjoint de Xavier Bertrand, ministre du Travail sous Nicolas Sarkozy.

Robert Badinter et les sachants qui l’entourent – issus du Conseil d’État, de la chambre sociale de la Cour de cassation ou professeurs de droit (dont Antoine Lyon-Caen) – s’attellent depuis le 24 novembre à poser les principes intangibles d’un Code du travail qui, assure Manuel Valls, gardera sa dimension protectrice. Des travaux qui nourriront le projet de loi que la ministre du Travail Myriam El Khomri présentera en début d’année 2016. « La commission Badinter devra éviter deux écueils, prévient Franck Morel. La fausse simplicité, qui serait une façon de donner les clés aux juges, et l’adoption de principes si vastes qu’ils ne laisseraient aucune marge de manœuvre à la négociation collective. »

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy

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