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"Produire du droit français sur le devoir de vigilance est un non-sens absolu"

Liaisons Sociales Magazine | Condition de travail | publié le : 30.03.2015 | Manuel Jardinaud

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Associé du cabinet De Pardieu Brocas Maffei, Philippe Rozec conseille les multinationales sur la question de leur responsabilité sociale. Il juge "simpliste" la proposition de loi débattue le 30 mars dans l'hémicycle.

Pour les ONG, syndicats et certains parlementaires de gauche, le moment est historique : la proposition de loi sur le devoir de vigilance a été examinée le 30 mars à l'Assemblée nationale. Le texte veut instituer, pour les entreprises de plus de 5000 salariés en France, l'obligation de mise en place d'un "plan de vigilance" pour assurer leur responsabilité vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants en matière de respect des droits de l'homme, d'environnement et de corruption. Le document fait ouvertement référence à la catastrophe du Rana Plazza, cet immense atelier textile de Dacca (Bangladesh) qui s'était écroulé il y a deux ans, faisant 1138 morts.

Ce texte de loi sur la "vigilance" des entreprises en matière de RSE vous parait-il adapté ?

Le sujet existe, et les grands groupes n’ignorent pas cet enjeu-là. Mais certaines notions du texte demeurent très floues. Le champ d’intervention doit être précisé. C’est le cas notamment pour « les atteintes aux droits de l’homme ». Ou pour l’idée que l’entreprise, pour être tenue responsable, doit entretenir « des relations commerciales établies ». Cela remplace la notion d’influence. Or, avoir des contrats commerciaux bien « établis » n’indique pas forcément avoir de l’influence sur le sous-traitant. Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, les grands groupes implantés à l’étranger n’ont pas réellement le choix de leurs sous-traitants. Ils ont donc un degré de contrôle assez faible sur eux. Au final, ce texte offre une vision simpliste.

Légiférer en France sur ce sujet est un geste fort. Qu'en pensez-vous ?

Le texte sous-entend pourtant que la question du devoir de vigilance devrait donner lieu à une directive européenne. Mais comme l’Union européenne n’y parvient pas, on glisse une source d’insécurité juridique dans le droit français pour encourager le débat au niveau européen. Cela met clairement en lumière une défaillance de l’Europe sur ce sujet. Mais produire du droit français sur cette question est un non-sens absolu.

Comment cette proposition de loi s’inscrit-elle dans le contexte mondial du droit social ?

Ce texte porte en lui une dimension réellement révolutionnaire. Ce qui se joue est considérable : il s’agit de contrer la position américaine en récupérant sur notre territoire la question du droit social international. Jusqu'à présent, celui-ci s'est nourri de la « soft law ». Ce qui se joue, c'est donc une question d’impérialisme juridique. Il s’agit d’une tentative désespérée pour récupérer le contentieux social sur notre sol.

Auteur

  • Manuel Jardinaud

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