En quatre ans, ce groupe de communication a acheté des dizaines d’entreprises. Salaires en retard, charges sociales et cotisations de mutuelle non versées, chèques en bois, factures impayées… Salariés et fournisseurs craquent.
En voilà qui n’ont pas froid aux yeux. Ni ne s’inquiètent de leurs agissements. À la tête du groupe R9 – pour Révolution 9 –, trois amis d’enfance, Nicolas Bianciotto et les frères Olivier et Xavier Baillet, aiment visiblement faire des affaires. En quatre ans, leur holding, immatriculé en octobre 2013, a avalé pas moins d’une soixantaine de sociétés dans le secteur de la communication.
Parmi elles, Plumes de pub, les Éditions le Baron perché, Alerte Orange, Starting Block, Ipso Facto, Venise, Soprano ou PuMa Conseil. De quoi régner, « officiellement », sur quelque 240 collaborateurs et disposer d’une offre globale dans la vidéo, la production de contenus ou le digital.
Un empire ? Pas vraiment, car la stratégie du groupe, composé d’une myriade de structures autonomes, relève plutôt de la fuite en avant. « Racheter des sociétés en difficulté ne coûte pas cher. Les unes en attirent d’autres, qui servent à tenir financièrement et à préserver les apparences », décrypte un ancien dirigeant.
Sandrine * est tombée dans le panneau. « R9, c’était la sirène. Au bout de dix jours, c’était un cauchemar : ma trésorerie a été siphonnée, 80 000 euros ont disparu, près de 2 500 euros de notes de frais ont été établies alors que l’Urssaf, les fournisseurs et la TVA n’étaient plus payés ! » se désole-t-elle. Licenciée au bout de deux ans, son solde de tout compte lui a été réglé avec un chèque… en bois. En référé, R9 est aussi condamné à lui verser plusieurs dizaines de milliers d’euros pour des primes non payées. Sauf que les huissiers repartent à chaque fois bredouilles, les fonds n’étant – hélas ! – jamais disponibles.
En octobre, dans une autre affaire jugée aux prud’hommes de Paris, l’avocat de la direction fait profil bas. Dans ses conclusions, il affirme que les dettes du groupe atteignent « 20 millions d’euros » en 2014 et que la trésorerie accuse un « déficit de 18 437 162 euros ». On est bien loin des 24 millions d’euros de marge brute revendiqués sur le site Internet. Plusieurs fois sollicité, Nicolas Bianciotto n’a jamais répondu à nos questions.
L’histoire de Sandrine n’a rien d’unique : plus d’une dizaine de contentieux prud’homaux sont en cours. Sans compter ceux devant les tribunaux de commerce. Pour les gérants floués, le scénario est toujours le même. « On leur fait miroiter un superbe contrat de travail qui n’est jamais respecté. Au bout de quelques mois, ils sont mis à pied, licenciés pour faute. Ensuite, c’est la politique de la terre brûlée », assure un avocat.
Les plus malchanceux se retrouvent caution solidaire de traites inconnues, faute d’avoir levé les nantissements après la vente. Laurent * a ainsi tout perdu. Il a vendu sa société pour 500 000 euros. Il a reçu le premier chèque, mais pas les deux suivants. « Ils m’ont ruiné. Je suis grillé auprès de tous mes clients et fournisseurs. Ma boîte, qui marchait bien, affiche aujourd’hui un déficit de 2 millions d’euros ! » s’étrangle-t-il. Quant à ses 50 salariés, ils ont presque tous été licenciés.
* Le prénom a été modifié.