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Les entreprises face au virus Ebola

Entreprise & Carrières | Condition de travail | publié le : 15.11.2014 | Guillaume Le Nagard et Elodie Sarfati

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Alors que l’OMS annonce une nouvelle progression du virus Ebola, les entreprises présentes dans la zone de l’épidémie y maintiennent leur activité et ont multiplié les mesures de prévention depuis six mois. Exemple de quelques groupes français.

L’OMS l’a confirmé le 12 novembre : l’épidémie d’Ebola dans l’Ouest de l’Afrique a dépassé le cap des 5 000 morts. Et le Mali, après plusieurs décès à Bamako, lutte à son tour pour endiguer le fléau dont les principaux foyers se trouvent au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée. Pour autant « les entreprises françaises implantées en Afrique de l’Ouest continuent d’investir et n’envisagent pas de réduire leur activité », indique Marc Rennard, président du Conseil des chefs d’entreprise France-Afrique de l’Ouest et Afrique centrale (Medef International), qui organisait le 13 novembre une réunion de cadres d’entreprises, de l’administration et de l’Institut Pasteur.

Suivi au jour le jour
Face à cette crise sanitaire qui évolue depuis plus de six mois, les employeurs ont dû déployer dans les zones à risque des mesures de prévention très strictes. « Ils doivent se montrer particulièrement vigilants et rester motivés sur les questions de prévention à mesure que la crise se prolonge, explique le docteur Philippe Biberson, directeur médical Europe du Sud et Afrique du Nord pour la société de services de santé et de sécurité International SOS, qui a reçu des demandes de 500 sociétés pour les trois pays les plus touchés, dont plusieurs dizaines d’entreprises françaises. Nous-mêmes, adaptons nos messages et nos approches en fonction de l’évolution de l’épidémie, depuis des informations sur l’épidémiologie, les modes de transmission, les situations à risque et les moyens de prévention,  jusqu’à des conseils plus complexes en fonction de l’évolution de la situation au jour le jour, de la région concernée et du type d’activité ». Moins de deux mois après la découverte du foyer infectieux en Guinée, International SOS avait d’ailleurs ouvert au grand public les pages d’information de son site. Et la société a lancé le 13 novembre une application smartphone dédiée.

Cellule de veille
À Orange, qui emploie notamment 320 personnes en Guinée, une cellule de veille dédiée à la situation dans ce pays est devenue cellule de crise et a été élargie à l’ensemble des 9 filiales de l’opérateur en Afrique de l’Ouest et centrale. Elle est composée de représentants de chaque filiale, de la zone (EMEA), des responsables sécurité, santé et RH groupe, ainsi que des responsables de divisions ou filiales ayant des activités ou déplacements dans les pays concernés. Un comité médical (médecins coordinateur groupe et médecins du travail locaux) lui rapporte. « La cellule est un lieu d’échanges de bonnes pratiques et d’informations, et de prise de décision, précise Pascal Foulachon, DRH de la zone Afrique et Asie au sein de la division EMEA d’Orange et directeur de cette cellule de crise. Le 4 septembre, elle a édité un guide pratique de riposte au virus à l’usage des managers locaux. »

Eau javellisée
Des mesures sanitaires ont aussi été mises en œuvre par Orange : « En Guinée, nous avons mis des bonbonnes d’eau javellisée à disposition et équipé les boutiques locales en matériel de prise de température à distance (Thermoflash) pour tous les salariés et les clients, indique Pascal Foulachon. Ces démarches, bien acceptées, ont été partagées au sein de la cellule de crise et sont en train de se diffuser au Mali. » Démarche choisie aussi par Total au Nigeria, où il n’est pas possible de pénétrer sur les sites avec une température supérieure à 37.5°

Contrôle des accès
Air France est particulièrement concerné par la question du contrôle des accès. Outre la pose de distributeurs de gel hydroalcoolique, la compagnie impose à Conakry deux prises de température avant l’embarquement puis une nouvelle à l’embarquement, assorties d’un questionnaire ciblé. « C’est indispensable dans la maîtrise du risque, indique le docteur Vincent Feuillie, responsable de la médecine passager à Air France. S’il n’y a pas de fièvre, il n’y a pas de transmission ». La compagnie a aussi mené plusieurs audits sanitaires dans les établissements hôteliers à Conakry, où sont hébergés les personnels navigants en escale.

Effets bénéfiques de ces messages de sensibilisation ainsi que des contrôles et restrictions d’accès, soulignés par l’expert d’International SOS : ils rappellent à chacun en permanence la nécessité des précautions sanitaires et ils ont fait significativement avancer la prophylaxie du paludisme, habituellement peu respectée par les voyageurs. Cause de fièvre, un accès de paludisme peut conduire en ce moment à la quarantaine ou à des interdictions de voyager !

Hormis l’information et les contrôles sanitaires, les entreprises doivent aussi adapter leur organisation et travailler en « mode dégradé », selon la formule de Philippe Biberson, avec une limitation au strict nécessaire des déplacements et rotations de personnel. « Nous avons décidé de les restreindre aux seules missions essentielles à la continuité de l’activité de la filiale guinéenne d’Orange, explique par exemple Pascal Foulachon. Les autres sont reportées. En pratique, toutes les missions ont été suspendues depuis fin juillet -en temps normal, il y a 2-3 déplacements par mois en Guinée. »

Droit de retrait
En de telles circonstances, les voyageurs professionnels peuvent exercer leur droit de retrait. Il sera difficile pour des employeurs d’en contester le motif et beaucoup d’entreprises, comme Orange, ont d’ailleurs annoncé qu’elles reconnaissaient ce droit. À Air France, le code MCPT4, appelé aussi “No Fly“est une mesure temporaire mise en place pour permettre aux personnels navigants de refuser les “destinations Ebola “, c’est-à-dire Conakry, la liaison de Monrovia ayant été supprimée auparavant pour des raisons de rentabilité et celle de Freetown suspendue sur demande du gouvernement français, tandis que l’OMS a levé son alerte sur le Nigeria. Ce code No Fly est encore plus facilement utilisable que le droit de retrait. « Rappelons que quels que soient les vols, les PNC qui ne sentent pas en état de voler peuvent refuser leur planning, et que nous n’avons eu aucun vol annulé du fait de l’absence de personnel », précise Vincent Feuillie.

Si les entreprises parviennent à contrôler le risque et à maintenir leur activité, l’évolution de l’épidémie reste incertaine prévient Philippe Biberson, et des risques d’insécurité ne peuvent être exclus. International SOS reconnaît que des plans d’évacuation rapide sont prêts à être activés.


Auteur

  • Guillaume Le Nagard et Elodie Sarfati

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