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Le rapport Mettling plaide pour une adaptation du code du travail

Liaisons Sociales Magazine | Condition de travail | publié le : 15.09.2015 | Emmanuelle Souffi avec Anne Fairise

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Face à l'invasion du numérique, Bruno Mettling milite pour que les branches professionnelles et les entreprises s'emparent du sujet. Quatre points pourraient nourrir ces futures négociations.

Et un rapport de plus sur le bureau de la nouvelle ministre du Travail ! C’est peu dire que depuis sa nomination, Myriam El Khomri ne chôme pas ! Après celui de Jean-Denis Combrexelle la semaine dernière, Bruno Mettling lui remettait le rapport commandé par son prédécesseur, François Rebsamen, sur «les transformations du travail à l’ère du numérique». 90% des cadres disposent d’un ordinateur au bureau et 55% des actifs. Internet est un compagnon quotidien pour nombre de Français. Nomade, le salarié peut travailler tout le temps et de partout. Ce qui n’est pas sans poser quelques soucis en termes de porosité des temps de vie et de lien avec la hiérarchie.

Le DRH d’Orange s’est donc employé à rédiger 36 propositions pour adapter notre droit du travail à cette «mutation numérique». La ministre a déjà prévu d’évoquer ces questions lors de la conférence sociale du 19 octobre et de lancer des concertations en vue de dégager des pistes de réforme qui seraient incluses dans son projet de loi présenté fin 2015 ou début 2016 et dans le texte Macron 2. Déjà, certains syndicats auraient souhaité aller plus loin. «Nous appelons à une négociation nationale tripartite sur le numérique et le travail. Traiter le sujet lors de la conférence sociale est insuffisant», juge Marie-José Kotlicki, secrétaire générale de l’Ugict-CGT, deuxième organisation des cadres.

Quatre points pourraient faire l’objet d’une adaptation de la loi et/ou de négociations dans les branches et les entreprises.

Sécuriser le forfait jours

Comme le rapport Combrexelle, celui de Bruno Mettling relance le débat sur les 35 heures que le gouvernement se garde bien d’ouvrir. Plus que les heures supplémentaires, c’est le forfait jours qui contrarie les entreprises numériques, plus exactement, son insécurité juridique. Sur le papier, la souplesse horaire qu’il offre correspond à leurs besoins de réactivité. Mais ces derniers mois, la Cour de cassation en a limité son usage, à de nombreuses reprises.

En deux ans, dix conventions collectives ont été censurées pour absence d’autonomie des salariés qui y avaient été assujettis ou charge de travail déraisonnable. Le DRH d’Orange réclame donc une adaptation des règles existantes, notamment celles liées aux fameuses 11 heures de repos consécutives. Dans une start-up, il n’est pas rare de boucler la nuit une nouvelle application et de redémarrer le lendemain tôt car il y a eu un bug.

«Il ne s’agit pas d’autoriser l’accumulation des nuits blanches! prévient-il. Mais il n’est pas normal qu’un jeune entrepreneur désireux de respecter le droit social soit amené à s’en affranchir car il n’est pas adapté à la réalité des projets qu’il conduit.» Des expertises pourraient permettre de voir comment, par accord, il serait possible de déroger, de manière exceptionnelle, à ce repos obligatoire à condition de prévoir un sas de récupération. «A défaut, [les entreprises] pourraient être tentées d’externaliser leurs nouveaux emplois vers un travail non salarié, en France mais aussi à l’étranger.»

Garantir des droits sociaux aux free lance

Entre 2004 et 2013, le nombre des free lance a flambé de 85% en France, selon des chiffres fournis par The Boston Consulting Group à la mission Mettling. Ils sont aujourd’hui 7% en France à travailler sans être salariés. Or, ils ne bénéficient pas de la même couverture sociale ni des mêmes droits qu’un CDI. Ce qui incite peu à se mettre à son compte alors qu'à l'avenir les missions en free lance sont appelées à se multiplier.

Le rapport préconise donc une extension du compte personnel d’activité aux travailleurs indépendants. «Partout où le numérique s’est répandu, ces nouvelles formes d’emploi se sont développées, observe Bruno Mettling. Ils doivent pouvoir bénéficier de nouveaux droits qui les suivent à chaque évolution de leur statut et contribuer au financement de la protection sociale.»

Rendre effectif le droit à la déconnexion

Répondre à un mail le week-end ou à 22 heures… Qui n’a pas été tenté de le faire? Avec les outils numériques, les frontières entre vie privée et vie professionnelle se confondent. Souvent réduit à quelques lignes dans un accord sur la qualité de vie au travail, le droit à la déconnexion peine à devenir une réalité. «Aucun salarié ne doit se voir reprocher de ne pas s’être connecté en dehors des heures de travail», prévient le rapporteur.

Plutôt que de couper les serveurs le soir comme le font les Allemands, le DRH d’Orange plaide pour une plus grande sensibilisation des managers et une formation des salariés à l’usage des outils numériques. Il milite aussi pour l’autorégulation de chacun, sous la forme d’un devoir de déconnexion. Un renvoi à la discipline personnelle que l’Ugict réfute. «Il ne peut y avoir de corresponsabilité employeur-salarié sur le sujet, tempête Marie-José Kotlicki. C’est à l’employeur de garantir le temps de travail et le temps de repos.» Bruno Mettling propose d'évoquer ce droit et ce devoir dans une négociation collective sur la charge de travail.

Consulter les branches sur leurs besoins en formation numérique

Pour limiter les risques de fracture numérique entre salariés et entreprises, les branches sont invitées à réaliser une radioscopie de leurs besoins en la matière. Qualifications, évolution des métiers, effort financier… Ce travail serait mené sur six mois. A la clé, une plus grande réactivité et des compétences en phase avec le marché. En matière de formation professionnelle, les moyens dégagés grâce à la digitalisation seraient affectés à un grand plan de mobilisation sur le numérique. Reste que le programme des branches étant bien chargé, on voit mal comment elles pourraient boucler tout ça en moins d’un an…

Auteur

  • Emmanuelle Souffi avec Anne Fairise

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