logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le Conseil constitutionnel se penche sur le travail en prison

Liaisons Sociales Magazine | Condition de travail | publié le : 15.09.2015 | Anne-Cécile Geoffroy

Image

Le Conseil constitutionnel examine aujourd'hui une QPC sur le travail en prison. Enjeu : faire reconnaître des droits sociaux aux détenus. Et pousser la loi à mieux encadrer la relation de travail.  

Le Conseil constitutionnel se penche ce mardi 15 septembre sur une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant le travail carcéral et la définition de la nature juridique de la relation de travail qui lie les détenus à l'administration pénitentiaire. "Aujourd'hui, il n'existe pas de  cadre juridique précis pour définir cette relation. Les droits fondamentaux des détenus qui travaillent ne sont pas respectés", souligne Philippe Auvergnon, directeur de recherche au CNRS, spécialiste du travail en prison.

En 2015, un tiers de la population carcérale (autour de 66000 personnes) travaille pendant l'exécution de sa peine. Les détenus sont rémunérés entre 20 et 45% du smic selon les centres. "L'administration pénitentiaire utilise le travail comme un instrument de paix sociale et d'occupation, comme peuvent l'être les activités sportives, explique Philippe Auvergnon. Or le travail en prison est un moyen de subsistance. Ce rôle, l'administration pénitentiaire ne le reconnaît pas."

Concrètement celle-ci peut décider de priver de travail un détenu du jour au lendemain, pour le punir ou tout simplement parce que le travail manque. "Le volume d'emploi en prison se situe entre 23000 et 25000 emplois, explique Fabrice Guilbaud, sociologue, maître de conférence à l'université d'Amiens. Une grande partie de ces emplois relèvent des services généraux des prisons, comme la cantine, le nettoyage. Viennent ensuite les emplois fournis par des PME concessionnaires qui confient aux détenus des tâches de basse qualification, extrêmement répétitives."   

En juin 2013 une première QPC avait été posée au Conseil constitutionnel pour tenter de sortir le travail carcéral de l'âge de pierre. Elle portait sur l’absence de contrat de travail entre le prisonnier et l’administration pénitentiaire. Les membres du Conseil constitutionnel avaient alors estimé que l’absence de contrat de travail n’était pas contraire à la Constitution.

Une loi floue

Cette fois-ci, l'angle d’attaque est différent. La QPC cible l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009, qui précise que la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les prisons donne lieu à un acte d’engagement établi par l'administration pénitentiaire. Une rédaction suffisamment vague qui peut porter à interprétation d'un établissement à l'autre.

« Les lacunes de la loi laissent trop de marge de manœuvre à l’administration qui risque de violer les droits des détenus, explique Julien Bonnet, professeur de droit public à l’université de Montpellier. Par exemple la loi ne dit rien concernant les droits de ces travailleurs en terme de revendication collective. N'est-il pas normal que les détenus puissent faire remonter des difficultés d'organisation du travail sans derrière se voir privé d'emploi ?" interroge le professeur de droit.

Cette QPC vient aussi nourrir un débat de fond sur les droits que la société française est prête à reconnaître aux détenus.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy

ma pub ici