D'ex-livreurs à vélo de Take Eat Easy, employés comme autoentrepreneurs, engagent une action de requalification de leur contrat commercial en contrat de travail. Le Syndicat national du transport léger veut, lui, attaquer les plates-formes pour concurrence déloyale.
Le placement en redressement judiciaire de la start-up belge Take Eat Easy, fin juillet, n’en finit pas de secouer le secteur émergent du delivery service. Parmi les quelque 2500 livreurs à vélo laissés sur le carreau à Paris, Bordeaux ou Lyon, avec des ardoises pouvant atteindre 2000 euros, dix-sept ont d’ores et déjà engagé une action de requalification du contrat commercial les liant à la plate-forme en contrat de travail. Un chiffre avancé par Jérôme Pimot, cofondateur du Collectif francilien des coursiers, qui les accompagne dans leurs démarches.
« Ce n’est qu’un début », pronostique ce livreur « lanceur d’alerte ». Proche de la CGT sans être encarté, voilà des mois qu'il se bat pour faire reconnaître la situation précaire et de salariat déguisé des coursiers employés comme indépendants, sous statut d’autoentrepreneurs. À voir l’augmentation très rapide du nombre de membres du collectif, la mobilisation gagne. Il fédère désormais sur sa page Facebook 1000 coursiers, contre moins de 300 fin juillet.
La CGT Commerce en appui
« Il y a un faisceau d’indices de leur subordination suffisant pour que leur requalification en contrat salarié soit exigible devant les Prud’hommes », commente Jérôme Pimot. Et de pointer les horaires contraints déterminés par la plate-forme, la fixation de tarifs non négociables et fluctuant dans le temps, l’édition par la plate-forme des factures de ses livreurs « indépendants » ou encore le port obligatoire d’une tenue aux couleurs de l’enseigne…
Un combat qui n’est pas sans intéresser les syndicats ayant pignon sur rue. La Fédération du commerce et des services CGT a modifié, avant l’été, ses statuts afin de pouvoir accueillir, comme adhérents, les indépendants sous statut d’autoentrepreneurs. Aujourd’hui, elle apporte un soutien logistique, par le prêt de locaux, au Collectif francilien des coursiers.
Concurrence déloyale
Le secteur du delivery service, qui regroupe dans l’Hexagone le Britannique Deliveroo, l’Allemand Foodora, le Français Stuart et l’Américain UberEats, n’en a pas fini de voir ses pratiques contestées. Le Syndicat national du transport léger (SNTL), dont les adhérents comptent une centaine de livreurs à vélo en région parisienne, a décidé de saisir, pour concurrence déloyale, la Direction générale de la concurrence, de la consommation, de la répression des fraudes (DGCCRF).
Une action que l’organisation professionnelle compte accompagner d’une lettre ouverte aux parlementaires pour les mobiliser sur les dangers de l’ubérisation. « Il n’est pas normal que les pouvoirs publics acceptent que les nouveaux entrants de l’économie numérique s’exonèrent de toutes les obligations sociales et fiscales pesant sur nos adhérents. Et qu'ils mettent en péril les entreprises vertueuses. Nous ne sommes pas opposés aux évolutions technologiques. Mais les règles doivent être les mêmes pour tous », commente Antoine Cardon, chargé de mission au SNTL.
Actuellement, les start-up du delivery service, qui se présentent comme de simples plate-formes d’intermédiation, ne sont soumises ni aux obligations pesant sur les employeurs ni aux réglementations en vigueur pour les transporteurs.