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« La novlangue managériale tend à installer l’oxymore comme une norme de pensée »

Entreprise & Carrières | Condition de travail | publié le : 05.05.2015 | Pauline Rabilloux

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Dans leur ouvrage qui vient de paraître, Le Capitalisme paradoxant, un système qui rend fou, les 2 professeurs à Paris VII analysent comment la financiarisation de l'économie, les nouvelles technologies et l'idéologie gestionnaire enserrent le travailleur dans un réseau d'injonctions paradoxales. Au point de pouvoir compromettre sa santé mentale.

E & C : Le management fonctionne aujourd’hui, selon vous, de manière paradoxale. En quoi consiste le paradoxe ?

Vincent de Gaulejac et Fabienne Hanique : Le paradoxe n’est pas seulement celui du management, il ne s’agit pas simplement d’une question intersubjective qui tiendrait à la relation du salarié avec son manager, mais d’une conséquence d’un système économique devenu “paradoxant”, producteur de paradoxes.

Le modèle néolibéral, qui inspire le développement actuel du capitalisme, produit une nouvelle raison du monde, qui conduit à une compétition généralisée des entreprises et des salariés, susceptible d’entraîner les individus vers le stress, l’épuisement, la dépression, le burn-out, la déraison, le suicide. Ce processus s’est installé en France à partir des années 1980-1990 à la conjonction de trois causes : le basculement d’un capitalisme de production vers un capitalisme financier, la révolution numérique et une révolution managériale reposant sur de nouveaux outils de gestion et de management.

Ce modèle, dont M. Reagan et Mme Thatcher furent les initiateurs dans leurs pays, s’est développé jusqu’à gagner l’ensemble de la sphère économique, politique et sociale. Il concerne aujourd’hui aussi bien l’entreprise privée que le secteur public, et semble avoir acquis force de conviction jusque dans la gauche française réputée pourtant critique par rapport au capitalisme.

Quelles en sont les manifestations dans le domaine du management ?

Dans le contexte d’une société qui entend désormais tout gérer, de nouveaux outils de gestion des personnels se sont mis en place, reposant sur l’investissement individuel plutôt que sur le métier ou la qualification. On attend désormais de l’individu non seulement qu’il accomplisse son travail mais aussi qu’il “y mette du sien”, qu’il investisse son narcissisme dans l’accomplissement de sa tâche. Les entreprises mobilisent le temps du salarié, son savoir-faire mais aussi ses forces de vie et sa libido dans une course effrénée à la performance.

Pour favoriser cet investissement personnel, elles ont

Auteur

  • Pauline Rabilloux

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