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La commission Badinter rattrapée par Manuel Valls

Liaisons Sociales Magazine | Condition de travail | publié le : 25.01.2016 | Emmanuelle Souffi

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Alors que la commission Badinter énonce 61 principes fondamentaux du droit du travail, le Premier ministre compte aller au-delà en déverrouillant les 35 heures et les modalités de validation des accords collectifs.

Les mauvaises langues seraient tentées de dire « tout ça pour ça ». La commission Badinter a remis ce 25 janvier au Premier ministre son très attendu rapport sur les principes essentiels du droit du travail. Ramassés sur douze pages, ces 61 « droits » constitueront une sorte d’ordre public social auquel ni le législateur ni la branche ni l’entreprise ne pourront déroger. Ils devraient être repris dans le projet de loi préparé par Myriam El Khomri et présenté le 9 mars en conseil des ministres.

Suffisamment larges pour englober moult adaptations, ils sont une sorte de « catalogue des droits fondamentaux de la personne humaine au travail », comme le résume Robert Badinter, président de la commission. La plupart figuraient déjà dans "Le travail et la loi", le livre qu’il a co-écrit avec l’universitaire, Antoine Lyon-Caen.  

Caution politique

La mise en place de cette commission composée de juristes émérites a eu deux avantages : débroussailler le futur chantier de simplification du code du travail qui devrait s’achever après le quinquennat de François Hollande, fin 2017. Et politiquement, servir de caution à des décisions politiques plus tranchées. Comme sur les trente-cinq heures. La ministre du Travail a un gros mois pour réécrire les 125 pages du code du travail consacrées au temps de travail. Dans un sens qui devrait satisfaire le patronat : l’idée étant de rapprocher le niveau de négociation du terrain, à l’instar de nombre de pays européens où la loi intervient peu en matière de droit du travail.

Heures sup' à 10 %

Se réservant la primeur des annonces, Manuel Valls a donc promis que « les entreprises pourront fixer par accord les modalités d’organisation du temps de travail, sans remettre en cause la durée légale » qui reste donc à 35 heures. Mais qui est rarement effective. Comme pour justifier de les « déverrouiller », le Premier ministre a rappelé que « la dérogation à cette durée légale n’est plus une transgression (…) puisque les Français travaillent en moyenne 39 heures par semaine ». 

La rémunération des heures supplémentaires est aussi dans le collimateur. En cas d’accord de branche prévoyant de les payer à hauteur de 25 %, une entreprise aura le droit de s’en affranchir à condition de respecter le seuil de 10 %. Alors que le ministre de l'Economie Emmanuel Macron défend l'idée de faire sauter ce seuil et de ne plus rétribuer en plus les journées à rallonge, le chef du gouvernement n’a pas voulu aller aussi loin, au risque de froisser son aile gauche et d’enterrer définitivement la réforme de Martine Aubry.

Forfait jours dans les start-up

Les start-up, parfois corsetées par ces rigidités horaires, auront également la possibilité d’instaurer un forfait jours pour leurs salariés, quelque soit la nature de leur fonction et ce, sans passer par la case accord collectif. De quoi résoudre l’insécurité juridique autour de ces dispositifs alors que la cour de cassation a retoqué plus d’une dizaine de branches sur ce sujet.

Fin des accords majoritaires ?

Enfin, alors que la commission Badinter n’en fait pas mention, la rue de Grenelle réfléchit au moyen de contourner les accords majoritaires dont elle souhaitait pourtant faire la norme en matière de dialogue social. La signature par des syndicats représentant au moins 50 % des salariés n’est pas toujours évidente à obtenir. La direction de Smart en a fait l’amère expérience. Tout comme la ministre de la Fonction publique dans le cadre des négociations sur la rémunération et la carrière des fonctionnaires. Tous deux ont passé outre.

Le gouvernement envisage donc d’abaisser ce seuil pour aller vers une majorité de 30 %, complétée par un référendum rassemblant au moins 50 % des votes des salariés. Myriam El Khomri annoncera sa décision d’ici la fin de la semaine, à l’issue des consultations avec les partenaires sociaux. Une mesure qui, cumulée aux autres, vise à rendre le code du travail plus « agile » quand les sages de la commission Badinter cherchait à le rendre plus « digne ».  

Auteur

  • Emmanuelle Souffi

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