La plupart des 31 500 esthéticiennes salariées exercent dans des TPE, les autres dans des enseignes aux politiques RH peu structurées. La profession souffre de conditions de travail très dégradées. Et même parfois dangereuses pour la santé. Enquête.
Enceinte, Nadia * a osé demander à son patron un masque de protection. Cette esthéticienne voulait limiter l’inhalation des fumées toxiques qui s’échappent de l’appareil à cire quand elle le nettoie à l’aide de solvants. « Que je m’expose moi, c’est une chose, mais je ne souhaitais pas que mon bébé subisse les risques de mon métier, raconte cette salariée d’un salon franchisé de Body Minute. Le gérant m’a répondu que je n’avais qu’à me le payer. » Et tant pis pour l’obligation de sécurité qui lui incombe ! Une histoire banale.
« Au début de ma carrière, on m’a contrainte à utiliser du trichloréthylène. Aujourd’hui les risques sont connus, cela n’est plus admissible. Il existe des produits alternatifs », témoigne Carole Peyrefitte, meilleur ouvrier de France, qui gère son propre salon.
L’Hexagone recense aujourd’hui 77 000 travailleurs dans le secteur de la beauté. Une majorité travaillent à leur compte, les autres sont employés essentiellement par des petites structures souvent low cost. Un patron toujours sur le dos, aucune échappatoire quand cela se passe mal… Les inconvénients de la TPE sans les avantages. Leader du secteur ? Body Minute, qui revendique 10 % de part de marché des instituts de beauté. Mais la politique RH n’est pas le fort de l’enseigne. Celle-ci, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, n’a d’ailleurs pas de DRH malgré ses 1 500 salariés. Autre mastodonte du secteur de la cosmétique, Yves Rocher a également ignoré nos sollicitations.
Et pourtant, les témoignages ne sont guère positifs. « Il a fallu qu’une employée d’un salon parisien attrape la gale et la transmette à son mari pour que le port des gants pour les soins du corps soit recommandé. Nous touchons quand même à des parties intimes et les conditions d’hygiène ne sont pas toujours respectées », affirme une employée d’un des 400 salons Body Minute français.
Les épilations se pratiquent pourtant à la chaîne, à raison de vingt minutes par client, aisselles et maillot intégral compris. Qui plus est en manipulant quotidiennement des solvants dangereux pour la santé, sans jamais avoir été sensibilisé. « L’une de mes collègues est devenue allergique à ces produits chimiques, un eczéma aux mains l’empêche à présent d’exercer », rapporte Nadia. Des problèmes médicalement prouvés. « Généralement, cela commence par une gêne. Si rien n’est fait pour l’éviter, cela se transforme en allergie », précise Robert Garnier, maître de conférences et praticien hospitalier au Centre antipoison de Paris.
* Le prénom a été modifié.