Toujours plus ! Les workaholics provoquent des dégâts pour eux-mêmes mais aussi pour leur entourage. Pas simple de les guérir sans toucher à la culture et aux pratiques de l’entreprise.
Il travaille beaucoup, ce secrétaire général d’un organisme professionnel. Premier arrivé, il est souvent le dernier parti. Et n’hésite pas à consulter sa boîte mail tard le soir ou le week-end. « Les gens vous sollicitent, le travail finit par être une drogue, confie-t-il. Être en lien direct avec des chefs d’entreprise qui ne se ménagent pas eux-mêmes vous entraîne petit à petit à adopter un rythme débridé. »
Quant à cette cadre supérieure d’une société de services informatiques, elle est arrivée précédée d’une réputation de « folle du travail qui a fait craquer plusieurs personnes ». Malgré un avertissement lancé par la DRH, elle continue à travailler à toute heure, obligeant ses collaborateurs à adopter des stratégies d’endiguement. « Je lui fais régulièrement valider mes priorités, de manière à pouvoir laisser tomber les objectifs de moindre importance », précise l’un d’eux.
Le workaholic, ou bourreau de travail, n’est pas une créature récente. Mais l’éclatement des lieux de travail et l’hégémonie de la technologie en favorisent la prolifération. En particulier en France, où la valeur travail se porte beaucoup mieux qu’on ne le dit. Question d’environnement, d’abord. « Les clients ont pris l’habitude d’exiger des résultats dans des délais de plus en plus courts. Si on n’y prend garde, on a vite fait de s’investir trop », observe Sylvain Breuzard, P-DG de Norsys, une entreprise de services en informatique et conseil en organisation.
Question de culture, aussi. Dans les benchmarks internationaux, les Français apparaissent très touchés par le présentéisme et le workaholism. « Les horaires interminables sont une spécialité française. Chez nous, le temps de travail reste une mesure de l’implication. Dans certains groupes, les patrons arrivent à 7 heures du matin », note Olivier d’Herbemont, dirigeant du cabinet de conseil en organisation Belle Aventure.
Question d’état d’esprit, enfin. Le surinvestissement est bien vu des directions. Et des individus eux-mêmes, qui le perçoivent comme une marque de leur importance, un signe de leur réussite sociale. « J’étais un fou de travail. J’ai beaucoup investi dans mes études et par la suite dans mes différents postes. J’en ai retiré beaucoup de reconnaissance », témoigne Franck Raspo, directeur de la practice transformation chez Algoé Consultants. Un passionné de boulot qui suit une psychothérapie après avoir fait deux burn out, en 2004 et 2013. « Je me remplissais d’obligations car ma vie personnelle était vide. Il était plus simple de travailler pour voler au secours de mes clients que de retisser les liens avec ma famille et mes amis », confie-t-il.