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Comment le Sénat prépare la refonte du projet de loi El Khomri

Liaisons Sociales Magazine | Condition de travail | publié le : 09.06.2016 | Emmanuelle Souffi

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Les débats sur le projet de loi Travail débuteront le 13 juin au Sénat. En commission, le texte a été modifié sur plusieurs points, avec le retour notamment de la barémisation des indemnités prud'homales. Revue de détails.

À petites touches plutôt qu'à la hache… C’est la méthode retenue au Sénat par les rapporteurs du projet de loi El Khomri pour détricoter la copie adoptée à l’Assemblée nationale grâce au 49-3. Doucement mais sûrement, Michel Forissier (LR, Rhône), Jean-Baptiste Lemoyne (LR, Yonne), Jean-Marc Gabouty (UDI, Haute-Vienne) la réécrivent d’ici le 13 juin, date du début des débats en séance publique. "Nous avons souhaité ne pas encombrer le texte de choses inutiles, explique Jean-Baptiste Lemoyne, reçu le 8 juin par l'Association des journalistes de l'information sociale. Mais au contraire lui apporter plus de souplesse et de simplification."

Y aller trop durement aurait été prendre le risque de souffler sur les braises de la grogne sociale qui enflamme le pays depuis plus de deux mois et atteint son paroxysme à la veille de l'ouverture de l’Euro. La journée de mobilisation du 14 juin, quand bien même moins suivie, sera un nouveau coup de semonce pour le gouvernement alors que tous les regards seront braqués sur la France. 

Indemnités prud'homales

Entre projet du gouvernement et idées «piquées» aux Républicains, les rapporteurs ont choisi de louvoyer. Ils ont ainsi réintégré la mesure sur la barémisation des indemnités prud’homales qui avait suscité la colère des syndicats et dont la CFDT avait obtenu le retrait en échange de son soutien au texte. Autre ajout, la clause de retour à meilleure fortune en cas d’accord de maintien dans l’emploi ou d’accord offensif. «Il est logique que quand la situation de l’entreprise s’améliore les salaries profitent des résultats. C’est une sorte de dividende que nous souhaitons inscrire dans l’article 11», souligne Jean-Baptiste Lemoyne.

Exit la garantie jeunes

À l’inverse, parmi les 12 articles supprimés en commission des affaires sociales, l’un concerne la généralisation de la garantie jeunes que les sénateurs préfèrent expérimenter avant d’envisager une extension. Le compte personnel d’activité (CPA) – «une bonne idée, mais avec des difficultés de mise en place» selon Michel Forissier – a aussi été délesté du compte engagement citoyen.

Le compte pénibilité, jugé «inapplicable pour la très grande majorité des entreprises», devrait aussi être raboté par le Sénat. «Si les quatre premiers facteurs doivent être mis en application, les six qui ne sont pas entrés en vigueur comme le bruit, le port de charges lourdes, les risques chimiques, les gestes et les postures, les vibrations mécaniques et les températures extrêmes doivent être supprimés», suggère Michel Forissier, par ailleurs ancien dirigeant d'une entreprise artisanale de marbrerie funéraire.

Fin des 35 heures

À la trappe également le verrou des 35 heures comme durée légale au profit de l’instauration d’une durée de référence fixée par accord d’entreprise. L’article 2, au cœur des récriminations des manifestants qui redoutent un dumping social en instaurant la primauté des accords d’entreprise sur ceux de branche, est conforté. «Sur la réécriture de la durée du travail, les horaires, les repos et les congés, nous sommes très à l'aise car c'est dans l'ADN de ce que nous avons mis en place à travers la loi de 2008 sur la démocratie sociale», plaide Jean-Baptiste Lemoyne.

Concernant la validité des accords, les rapporteurs reviennent sur le principe majoritaire. «Au fur et à mesure des auditions, nous avons vu la crainte partagée par tous de ne pas réussir à atteindre le seuil de 50%», soulignent-ils. Ils plaident donc pour le maintien des régles existantes, avec la nécessité de recueillir la signature des syndicats représentants 30% des salariés et un droit d'opposition pour les majoritaires à 50%.

Plus de taille d'entreprise

Sur les licenciements économiques, autre disposition qui a fait couler beaucoup d'encre, l'opposition est revenu sur l'instauration d'une définition différente selon la taille de l'entreprise. «Nous avons eu la volonté de le sécuriser car rédigé ainsi, le dispositif pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel», estime Jean-Marc Gabouty, également chef d'entreprise.

Le vote au Sénat doit intervenir le 28 juin avant de revenir à l'Assemblée nationale pour une adoption définitive fin juillet. Quelles que soient les retouches suggérées par les rapporteurs et l'issue des débats en séance public, le dernier mot reviendra aux députés. Un coup pour rien ? Pas tout à fait. Car Gérard Larcher, président de la Haute assemblée, a prévenu. En cas d'alternance politique en 2017, l'opposition disposera d'un texte prêt à l'emploi. Les trois rapporteurs ont respecté la consigne.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi

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