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Ces amendements qui veulent torpiller la loi El Khomri

Liaisons Sociales Magazine | Condition de travail | publié le : 06.04.2016 | Manuel Jardinaud (avec Emmanuelle Souffi)

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Supprimer toutes les dispositions sur le temps de travail, effacer la notion de branches, mettre fin aux CHSCT… Parmi les centaines d'amendements au projet de loi El Khomri, certains ne font pas dans la nuance. Florilège.

Attention, grand bazar ! Les commissions des affaires sociales et des affaires économiques réceptionnent depuis la fin mars les amendements des députés sur le projet de loi « Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Une procédure parfaitement huilée qui recèle, comme souvent, des propositions fantaisistes, radicales ou très innovantes.

Sus à Badinter

L’article 1 du projet de loi El Khomri, qui a pour objectif d’insérer des grands principes – dits « Badinter » – dans la loi, est le premier dans la ligne de mire des députés. Trois députés LR en ont demandé la suppression. Au motif que « l'énonciation de ces principes n'a aucun intérêt puisqu'ils n'ajoutent ni ne retranchent rien au droit du travail ». Un amendement rejeté… mais qui pourrait néamoins avoir une suite. Car un autre amendement, déposé par le rapporteur du texte, le socialiste Christophe Sirugue, a lui été adopté. Il propose "de supprimer la référence aux principes".

Cogestion

L'adoption de cet amendement en a fait "tomber" un autre, qui stipulait que « le choix du directeur des relations sociales dans les entreprises de plus de 500 salariés se fait sur présentation au comité d’entreprise ». Selon ses rédacteurs, il s'agissait de dupliquer le droit allemand qui offre aux salariés la possibilité de choisir, notamment, leur DRH.

Durée du travail

L’article 2 se retrouve sous le feu des critiques de nombre d’élus. De fait, il est l’un des pivots de la loi en façonnant « une nouvelle architecture des règles en matière de durée du travail ». Six députés de gauche ont trouvé la parade : ils revendiquent sa disparition. La raison ? Il traduirait « un recul des protections garanties actuellement par la loi ». À la trappe, donc, 44 des 138 pages que compte le projet ! De quoi écourter largement les débats parlementaires… Sauf que l'amendement a été rejeté.

Exemplarité patronale

L’article 11 fait toujours autant discuter. Il précise notamment les modalités de licenciement applicables si un salarié refuse les efforts demandés en contrepartie d’un accord visant à préserver ou développer l’emploi. Pour mieux faire passer la pilule, le député Olivier Faure (PS) propose une mesure qui risque de faire hurler les organisations patronales : « Que l’accord spécifie les efforts proportionnés des dirigeants, des mandataires sociaux et des actionnaires ». Exemple ? Interdire toute augmentation de la rémunération des dirigeants salariés et des dividendes versés aux actionnaires pendant la durée de l’accord.

Branches supprimées

Le projet de loi laisse une place importante à la négociation de branche, même s’il lorgne vers une plus grande liberté du dialogue social au niveau des entreprises. Ce niveau sectoriel est jugé superflu par le député Fromentin qui propose de supprimer les branches. En lieu et place, « des communautés de négociation qui constituent un espace de dialogue entre employeurs et représentants des salariés ».

Stop aux CHSCT

La fronde contre les instances de représentation du personnel bat aussi son plein. Un groupe d’élus mené par Nathalie Kosciusko-Morizet demande l’ajout d’un article instaurant la supression des CHSCT. Parce qu'ils « font souvent double emploi avec le comité d’entreprise ». Les syndicats apprécieront !

Représentativité patronale

Les organisations patronales, aussi, ont intérêt à faire œuvre de vigilance. Notamment à propos de l’article 19, qui fonde les principes de leur représentativité. Un article obtenu de haute lutte par le Medef et auquel s’est finalement raccroché la CGPME. Mais qui n'est pas du goût de la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, qui se pose en défenseure des TPE – et donc des artisans de l’UPA. Son combat ? La suppression de cette disposition, via un amendement. Ce qui entrainerait le retour du principe "une entreprise, une voix". Pierre Gattaz (Medef) et François Asselin (CGPME) doivent en avoir des suées…

Exit le CPA

Supprimer pour simplifier. C’est le but de cet amendement à l’article 21, lequel vise à instituer le compte personnel d’activité, le fameux CPA. Les députés Hetzel, Tian et Aboud considèrent que celui-ci relève « d’une totale improvisation » et craignent « un syndrome RSI ». Ils demandent donc non pas son amélioration mais… son retrait. Au motif qu'il est une source « de complexité et de coûts supplémentaires pour les PME-PMI ». Une solution pour le moins radicale.

Stagiaires mieux lotis

Neuf députés de gauche réclament la hausse de la rémunération des stagiaires. En passant leur rétribution horaire de 3,60 euros à 5,20 euros pour lutter contre la précarité et participer à la reconnaissance de leur travail. Les jeunes qui défilent actuellement dans la rue ne peuvent que soutenir cet amendement. Sauf qu'il a été rejeté par la commission des affaires économiques.

Sécuriser les licenciements

L’article 30 cristallise les tensions. Normal, il change la donne sur les motifs du licenciement économique. Le trio de députés Hetzl, Tian et Aboud l’a bien compris, qui fait œuvre de porte-voix des organisations patronales les plus libérales. Sa proposition : l’ajout d’un article sur la sécurité juridiques des procédures qui prévoit « de mettre un terme à la prévalence de la forme sur le fond ». En clair, une disposition qui « n’imposera plus à l’employeur de recommencer la procédure depuis le départ en cas d’irrégularité formelle ».

Indemnités prud'homales

Toujours sur cet article 30, un groupe de 18 députés d’opposition a trouvé une idée qui va révolutionner le code du travail : il propose que les barèmes d’indemnités de licenciement soient fixés par accords de branche ou d’entreprise. Une idée qui a bien peu de chance de trouver preneur dans l’hémicycle…

 

 

 

 

Auteur

  • Manuel Jardinaud (avec Emmanuelle Souffi)

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