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Addictions : les employeurs contraints à la vigilance

Entreprise & Carrières | Condition de travail | publié le : 02.02.2017 | Virginie Leblanc

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Si les entreprises semblent plus disposées à aborder le sujet des addictions, elles demeurent en recherche de solutions et de conseils sur cette question sensible, qui justifie une approche à la fois individuelle et collective.

En ce début d’année, nombre d’entreprises ont organisé les traditionnels pots pour les vœux ou la galette des rois. Mais dans certaines d’entre elles, c’est désormais sans alcool. À l’instar de Bouygues Construction, ArcelorMittal ou dans certains établissements de Renault, elles sont de plus en plus nombreuses à miser sur le “zéro alcool”.

L’exigence légale de préservation de la santé et de la qualité de vie au travail contrôlée par les juges oblige de fait l’employeur à traiter la problématique épineuse des conduites addictives en entreprise. « Les manifestations festives où l’alcool coulait à flots sont désormais diabolisées. On observe aujourd’hui une tendance à l’aseptisation des comportements sur les lieux de travail », estime Jamila El Berry, avocate au barreau de Paris.

Il faut dire que les sanctions sont aujourd’hui très sévères en cas de dépassement du taux d’alcoolémie. « On remarque aussi une approche “générationnelle” du traitement de la question “alcool” en entreprise, poursuit l’avocate. Ainsi, les managers de l’ère industrielle auront tendance à réguler les usages tandis que les plus jeunes managers, acculturés aux campagnes de prévention, sont plus enclins à mettre en œuvre des règles d’interdiction absolue. »

Attentisme Une attitude qui peut se comprendre étant donné l’obligation de sécurité de résultat très exigeante qui pèse sur les entreprises : « Les conséquences de l’attentisme de l’employeur en matière de conduites addictives corrélées à un accident du travail peuvent être lourdes, observe Jamila El Berry. L’employeur, qui n’a pas mis en place de dispositifs de protection suffisants, peut voir sa responsabilité engagée, y compris en matière pénale, notamment pour mise en danger de la vie d’autrui, non-assistance à personne en danger ou encore homicide involontaire. »

Et les employeurs ont de quoi être préoccupés : « 30 % de la population a des comportements à risque ou nocifs, 20 % des accidents du travail sont directement associés à la consommation d’alcool ou de drogues, et l’alcool est responsable de la moitié des accidents mortels », rappelle Philippe de Condé, directeur général d’Hassé Consultants, cabinet d’alcoologie et d’addictologie d’entreprise depuis plus de 25 ans. En outre, les séances d’alcoolisation massive expresse, ou binge drinking, sont elles aussi en plein essor depuis quelques années en France. Selon l’INPES, 10 % des 25-34 ans et 6 % des 33-44 ans s’y sont adonnés au moins une fois dans l’année.

François Nicaise, président de Restim, agence conseil en alcoologie et addictologie en entreprise, fait également plusieurs observations : « Avec les interdictions, des phénomènes d’alcoolisation clandestine émergent. De plus, les nouvelles générations consomment parfois tardivement le soir et viennent au travail le lendemain avec des “restes” d’alcool ».

Autre phénomène important souligné par le consultant : l’association de produits énergisants avec l’alcool, qui fait grimper le taux d’alcoolémie, la consommation plus courante de cocaïne avec la baisse des prix, à 50 euros le gramme aujourd’hui.  Prenant en compte ces phénomènes, la loi de juillet 2011 sur la médecine du travail avait prévu dans les missions des services de santé au travail (SST) celle de conseil des employeurs, des travailleurs et de leurs représentants sur la prévention de la consommation d’alcool et de drogue.

Formation des acteurs Plus récemment, le plan santé au travail 2016-2020, construit avec les partenaires sociaux, fait de la prévention des addictions une de ses priorités. Il entend améliorer la connaissance des pratiques addictives en milieu professionnel en s’appuyant notamment sur les SST. Il se fixe comme objectif de mieux former les acteurs de la prévention, notamment les SST, au repérage et à la prévention des pratiques addictives, notamment en déployant la formation au repérage précoce et à l’analyse des situations de travail susceptibles de favoriser des pratiques addictives, et en informant sur les ressources disponibles pour l’accompagnement et la prise en charge des personnes. À ce titre, le site Addict’aide sera une ressource pour tous les acteurs.

Le plan encourage par ailleurs la concertation sur les mesures de prévention dans le cadre du dialogue social et la diffusion de bonnes pratiques en matière de prévention collective. Conséquence de ces orientations, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a confié à l’Anact une mission d’expérimentation

Auteur

  • Virginie Leblanc

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